La prise en charge de la douleur chez l’enfant à l’épreuve de la logique économique
Une prise en charge efficace de la douleur est particulièrement importante chez les enfants qui souffrent d’un cancer, notamment ceux en soins palliatifs. Jusqu’à présent, les médecins pouvaient recourir à un médicament dont la production vient d’être stoppée parce qu’elle n’était pas rentable. Sans ce médicament essentiel, la douleur peut dorénavant moins bien être prise en charge et l’enfant doit rester hospitalisé plus longtemps. Pour pallier à cette situation intolérable et éviter que les patients ne souffrent inutilement, Cancer de l’Enfant en Suisse et de nombreux professionnels et organisations de santé exhortent l’Office fédéral de la santé publique à trouver une solution rapidement.
Ce sont des patients particulièrement vulnérables qui ne peuvent se passer de l’analgésique MST Continus Suspension Retard de l’entreprise Mundipharma Medical Company, notamment des enfants atteints de forme graves de cancer qui luttent pour leur survie et des patients en fin de vie. Comme cette morphine à action prolongée se diffuse progressivement dans le corps sur une période prolongée, elle constitue souvent un traitement de base particulièrement efficace dans la prise en charge de la douleur. «Ce sont nos patients en soins palliatifs qui sont tout particulièrement dépendants de cet analgésique pour soulager leur douleur» explique l’oncologue pédiatre Dre Eva Maria Tinner, cheffe de clinique en hémato-oncologie pédiatrique à l’Hôpital de l’Ile de Berne, très mobilisée depuis l’arrêt de la production de ce médicament.
MST Continus Suspension Retard permettait jusqu’à présent d’adapter la prise en charge de la douleur aux besoins spécifiques de chaque patient, favorisait un dosage précis essentiel pour une utilisation chez de très jeunes enfants et pouvait être administré facilement en suspension buvable par les parents à la maison. Contrairement à ce médicament, l’utilisation d’une pompe à morphine oblige par exemple l’enfant à rester hospitalisé. Une alternative acceptable offrant une précision de dosage comparable et qui convient de ce fait à une utilisation chez de très jeunes enfants n’existe malheureusement pas sur le marché. Le seul médicament disponible actuellement avec un effet analgésique comparable a des effets secondaires bien trop risqués selon Dre Eva Maria Tinner.
«Une alternative acceptable offrant une précision de dosage comparable et qui convient de ce fait à une utilisation chez de très jeunes enfants n’existe malheureusement pas sur le marché»
Pour justifier l’arrêt de la production, le fabricant du MST Continus Retard en suspension évoque des raisons économiques, notamment une fabrication complexe et peu rentable. Compte tenu de ces arguments, on peut craindre que les entreprises fabriquant des génériques ne soient guère intéressées à prendre le relai. «On peut comprendre que la production de ce médicament ne soit pas attractive d’un point de vue économique. Il est cependant intolérable de sacrifier ces enfants sur l’autel de la rentabilité. Chaque patient doit avoir accès à la meilleure prise en charge possible pour soulager sa douleur, lui donner la force de continuer à se battre ou lui permettre de partir sereinement» déclare Valérie Braidi-Ketter, CEO de l’organisation Cancer de l’Enfant en Suisse.
C’est pour cette raison que Cancer de l’Enfant en Suisse, des représentants de l’Hôpital pédiatrique universitaire des deux Bâle, de l’Hôpital de l’Ile de Berne, de l’Hôpital cantonal de Bâle-Campagne, de l’Association suisse des pharmaciens, de l’administration des hôpitaux, de la Société suisse de Médecine et de Soins Palliatifs ont exhorté ensemble l’Office fédéral de la santé publique à trouver une solution dans l’intérêt de tous.